Et voici cette bizarre de sensation d'impasse qui commence à me prendre aux quatre points cardinaux de l'organisme et à se nouer au milieu.
Est-ce la chaleur subite, ou l'orage, ou la solitude, ou la perspective d'être sans domicile, ou simplement que ce livre ne veut pas aller outre? Je connais ces crises d'angoisse vague pour en avoir été souvent victime. Rien de plus difficile que de leur trouver un contour qui nous permette de les regarder en face. De la minute où ce malaise apparaît, il nous domine. Il nous empêche de lire, d'écrire, de dormir, de nous promener, de vivre. Il nous cerne de menaces confuses. Tout ce qui s'ouvrait se ferme. Tout ce qui nous aidait nous abandonne. Tout ce qui nous souriait nous jette un regard de glace. Les entreprises qu'on nous proposent se flétrissent, s'embrouillent, capotent les unes sur les autres. Chaque fois je me laisse attraper à ces avances du destin qui ne nous attire que pour mieux nous tourner le dos. Chaque fois que je me répète que j'ai gagné la zone de calme, que j'ai payé assez cher le droit de descendre une pente douce, de ne plus glisser à pic la nuit.
À peine me suis-je bercé de cette illusion que mon corps me rappelle à l'ordre. Il allume des lampes rouges qui signifient Prenez garde. Des souffrances que je croyais en fuite reviennent avec la colère de ceux qui ébauchent une fausse sortie et nous en veulent davantage de s'être crus ridicules.
Mes paupières, mes tempes, mon cou, ma poitrine, mes épaules, mes bras, mes phalanges me dévorent. Je vais mieux et le mal y prend des forces. Il semble même qu'il veuille s'attaquer aux muqueuses, aux gencives, à la gorge, au palais. De la machine, cela passe à l'essence de la machine et la corrompt. Des plaques de détresses, des aphtes de malheur, des fièvres de désespoir, nous emplissent de légers symptômes fort pénibles. Ils augmentent vite jusqu'à une sorte de nausée que nous attribuons à l'influence du dehors.
Il est probable que c'est notre état qui colore le monde et nous fait croire que nous lui devons notre couleur. Ce mic-mac ne barbouille que davantage le dehors et le dedans. La vie nous apparaît insoluble, trop vaste, trop petite, trop longue, trop courte. Bref, il ne me reste qu'à subir ces crises et à en attendre le dénouement. Celle qui m'habite depuis hier s'est annoncée voilà quinze jours par un recrudescence de mes maux. Je veux croire qu'il s'y ajoute le facteur d'une température très lourde et qui tourne à l'orage. Depuis cinq minutes, il vente et il pleut. Je me souviens d'un paragraphe de l'Histoire de Michelet où il se félicite d'être insensible aux rafales qui battent sa fenêtre. Il y puise au contraire du réconfort et y constate le rythme de la nature. Ces rafales lui promettent le beau temps. Quel beau temps? Je me le demande. J'aimerais être mon accordeur et retendre à ma guise les nerfs que le chaud ou le gel me désaccordent. Que dis-je? La moindre humidité morale, la moindre température de l'esprit.
Faut-il envier ces grands ogres à la Goethe ou à la Hugo dont l'égoïsme passe pour de l'héroïsme et qui parviennent à faire admirer de monstrueuses phrases telles que: " Par-dessus les tombes, en avant." C'est ainsi que Goethe accueille l'annonce de la mort de son fils. Les envier ou ne pas les envier, à quoi bon? Les jeux sont faits. Et je ne me glorifie, ni ne les glorifie, d'être une pâte ou une autre. Mais je constate que c'est la manière dont je suis agencé qui me vaut d'être un ambulant. Le lieu que je souhaitais et où je me cache me devient vite une trappe. Je m'en évade et ainsi de suite. Il suffit que je découvre le lieu d'une retraite pour que tout m'y fasse obstacle et m'empêche de signer le contrat.
Faut-il envier ces grands ogres à la Goethe ou à la Hugo dont l'égoïsme passe pour de l'héroïsme et qui parviennent à faire admirer de monstrueuses phrases telles que: " Par-dessus les tombes, en avant." C'est ainsi que Goethe accueille l'annonce de la mort de son fils. Les envier ou ne pas les envier, à quoi bon? Les jeux sont faits. Et je ne me glorifie, ni ne les glorifie, d'être une pâte ou une autre. Mais je constate que c'est la manière dont je suis agencé qui me vaut d'être un ambulant. Le lieu que je souhaitais et où je me cache me devient vite une trappe. Je m'en évade et ainsi de suite. Il suffit que je découvre le lieu d'une retraite pour que tout m'y fasse obstacle et m'empêche de signer le contrat.
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